Le management est la mise en œuvre des moyens humains et matériels d'une entreprise pour atteindre ses objectifs. Il correspond à l'idée de gestion et de pilotage1 appliquée à une entreprise ou une unité de celle-ci. Lorsqu'il concerne l'entreprise tout entière on peut généralement l'assimiler à la fonction de direction (la « fonction administrative » de H. Fayol). Le management est présenté ici dans sa version prédominante, d'autres formes existent en particulier dans les approches en gouvernance partagée.
Le management consiste à2 :
- fixer des objectifs (stratégiques et opérationnels),
- choisir les moyens de les atteindre,
- mettre en œuvre ces moyens (recherche d'efficience),
- contrôler la mise en œuvre et les résultats obtenus,
- assurer une régulation à partir de ce contrôle (Gouvernance).
Il comprend une dimension technique (principalement liée à la comptabilité analytique et aux méthodes de contrôle de gestion visant à optimiser les ressources) et une dimension humaine (liée à la nécessité d'obtenir la motivation et la coopération des membres composant l'organisation).
Le management désigne aussi les responsables de la fonction managériale (à ses différents niveaux dans l'entreprise).
Les différentes dimensions du management ont été théorisées à travers les théories des organisations.
Dit autrement, en partant du concept de groupe, le management est l'application3 systématique4 à un groupe institutionnalisé5 par son chef ou son leader, d'un ensemble de principes ou de valeurs complémentaires qui en assurent, d'une part, la coordination efficiente des activités collectives et, d'autre part et conjointement, la motivation et un esprit de coopération active et gratifiante de la part de chacun des membres du groupe.
Les modalités d'application du management sont radicalement différentes suivant la taille du groupe, moins de 15 à 20 collaborateurs ou plus d'une vingtaine :
- Moins de 15 à 20 membres, (groupe dit « primaire ») et c'est alors du management d'équipe du ressort de la psychosociologie ;
- Plus de 20 collaborateurs (groupe dit « secondaire »), c'est alors du management d'entreprise du ressort de la sociologie des organisations.
Suivant le niveau hiérarchique et l'horizon temporel d'application, on peut distinguer le management stratégique, du niveau de la direction, dont les décisions s'appliquent à long terme et le management opérationnel, niveau équipe d'exécution, dont les décisions s'appliquent à court terme.
Mais l'on peut dire également que le management est la conduite de l'action collective au sein d’une organisation, afin d'assurer son efficience ou son efficacité.
Le management d'une des fonctions de l'entreprise est la démarche méthodologique que l'on applique à cette fonction, comme :
- Le management de l'innovation,
- Le management des connaissances,
- Le management des opérations,
- Le management des ressources humaines,
- Le management de la qualité,
- Le management de la R&D,
- Le management des risques,
- Le management du système d'information,
- Le marketing management6.
Par métonymie, le terme management désigne aussi l'ensemble du personnel responsable d'une entreprise ou d'une organisation, c'est-à-dire les personnes dont la tâche relève spécifiquement du management, et qu'on nomme en français « cadres », « dirigeants », ou « gestionnaires »n. 1.
Étymologie
L'usage actuel en français du terme « management » provient pour beaucoup d'un emprunt direct au terme anglo-saxon « management ».
Cependant, selon l’Oxford English Dictionary9 le verbe anglais « to manage » et le substantif « management » découlent eux-mêmes d'un terme français du XVe siècle, « mesnager »10,11, signifiant en équitation « tenir en main les rênes d'un cheval », provenant lui-même de l'italien « maneggiare » (et du latin « manus » : la main). Il a subsisté en français en équitation au travers du mot « manège ».
Pour Maurice Obadia12, « la plupart des gens pensent à tort, aidée en cela par une prononciation à l’américaine, que le terme de management contient le radical man (l’homme), lequel serait donc au centre du management. Mais c’est plutôt du côté du radical latin manus (la main), qu’il faut regarder.
« Manus – agere (agir), c’est indissociablement la main et l’action. Le mot comporte donc la même racine que « manège » (qui était conduit à la main).
« En observant la réalité vécue du management avec ce cadre étymologique on relève alors au moins six types de management pratiqués :
- Le type 1 : « Conduire d’une main de maître » ;
- Le type 2 : « Mettre la main à l’organisation » ;
- Le type 3 : « Tenir en main l’organisation » ;
- Le type 4 : « Main basse sur l’organisation » avec ses deux niveaux ; et son paternaliste et son maternisme ;
- Le type 5 : « La manipulation » ;
- Le type 6 : « Les mains reliées ».
Le mot « management » est réutilisé en France à partir des années 1960, alors que les auteurs français ont peiné à trouver un terme équivalent : ainsi, dans son ouvrage de 1916, Henri Fayol parle d'« Administration générale » pour désigner la fonction et la pratique, à ses yeux nécessaire pour gérer une entreprise. De même, lors de la traduction en français (1957) du livre de Peter Drucker The Practice of Management13 le traducteur devant la difficulté qu'il a à traduire « manager » utilise le terme « Direction des entreprises » (dans le titre) ou « gouvernement » (lorsqu'il s'agit de faire référence au monde de la très grande entreprise). D'ailleurs, la première revue de management prend le titre, en 1965, de « Direction et gestion des entreprises ».
Management versus gestion
Selon le Journal officiel du 14, le terme management est accepté en France par la DGLFLF. Il est également accepté par l'Académie française depuis l'arrêté du (Journal officiel du ), qui précise cependant qu'il doit être prononcé à la française (manaʒmã) et non à l'anglaise (menedʒmənt). En revanche, l'Office québécois de la langue française ne recommande pas son emploi au Canada, où les termes administration et gestion sont recommandés par l'OQLF15.
Par ailleurs, les termes management et gestion ne sont pas parfaitement synonymes en France, comme le montrent les titres de manuels couramment utilisés16 :
- management désigne plutôt les pratiques et les savoir-faire associés à l'organisation du travail et aux relations humaines, avec une dimension collective : management stratégique, management de projet, management participatif, etc.
- gestion désigne plutôt les techniques souvent quantitatives de conduite des affaires, avec un objectif d'efficacité ou d'efficience : gestion comptable, gestion de patrimoine, contrôle de gestion, etc.
Origines du management
D'après les travaux du sociologue et historien Johann Chapoutot, le management moderne trouve sa source dans le nazisme et notamment dans ses idéaux de dépassement de soi-même et de mise en concurrence des acteurs. Sa démonstration s’appuie sur le parcours de Reinhard Höhn, éminent juriste nazi, employé après-guerre à la formation de près de 500 000 cadres en Allemagne de l’ouest entre les années 50 et 70. Le management serait donc un darwinisme social qui ne laisse aucune place à ceux qui échouent dans leur mission17.
Le management, statut épistémologique et bidimensionnalité
Statut épistémologique
Le concept de management décrit un ensemble de méthodes d'organisation et de gestion. L'interrogation concernant la nature de cette discipline amène à considérer ses deux dimensions : l'une orientée vers la gestion de l'ensemble d'une entité (management stratégique et opérationnel) et l'autre axée sur la gestion d'une équipe de personnes devant travailler ensemble (management d'équipe).
Ses deux dimensions
Le concept de management est un concept bidimensionnel. Depuis que Elton Mayo, puis Rensis Likert, puis Robert Blake et Jane Mouton ont mis en évidence puis formalisé dans les années soixante les deux dimensions du leadership et corrélativement les trois dimensions du comportement au travail à prendre en compte par le management, il faut comprendre le management comme un concept ayant deux dimensions :
- Une dimension technique axée sur l'optimisation des ressources ;
- Une dimension humaine .
Ce qui est exprimé clairement dans le sous-titre du manuel de Nicole Aubert et coauteurs : Management. Aspects humains et Organisationnels18.
Christian Thuderoz arrive à la même conclusion à la suite d'un raisonnement étymologique à la Goropius19, se non è vero, è bene trovato.
Un autre exemple nous est donné par Stephen Robbins, et ses best-sellers mondiaux. Deux ouvrages : Management20 et Comportements organisationnels21. Ils se recoupent, mais analysent chacun une des deux dimensions du management.
Qu'est-ce que le management ?
Management d'entreprise et management d'équipe
Redisons la distinction radicale à faire entre le management d'une organisation et le management d'équipe d'une équipe (jamais plus d'une vingtaine de membres).
Management stratégique et management opérationnel
Suivant le niveau hiérarchique et l'horizon temporel d'application, on peut distinguer :
- le management stratégique, du niveau de la direction générale, dont les décisions s'appliquent à long terme22
- le management opérationnel, niveau équipe d'exécution, dont les décisions s'appliquent à court terme.
Les définitions du management qui sont données concernent généralement le management de l'entreprise assuré à long terme par la direction générale.
Définitions
Il existe plusieurs définitions du management d'une entreprise dans la littérature académique et autre qui lui est consacré, c'est ainsi :
- Selon Frederick Taylor (1890) : « Une révolution mentale ».
- selon Fayol (1916) : « C'est de la prévoyance, de l'organisation, du commandement, de la coordination, du contrôle ».
- selon Luther Gulik (1937) : « POSDCORB. Planning, organizing, staffing, directing, coordinating, reporting, budgeting »23.
- selon William Newman et E.Kirby Warren (1961) : « Le management, c'est l'ensemble des méthodes qui permettent de transformer les ressources dont dispose une organisation, argent, matériel et hommes, en produits et services »24.
- selon Marvin Bower (1968) : « Le management, c'est vouloir manager au travers d'un système de management (a programmed management) »25.
- selon Tom Peters (1988) : « [Mes] 45 prescriptions peuvent être considérées comme une première ébauche d'une théorie du management »26
- selon Peter Drucker (1989) : « Le management est quelque chose qui se rapporte à des êtres humains. Sa tâche, son devoir, c'est de rendre les hommes capables de produire un résultat commun, de donner de l'efficacité à leurs capacités, et de faire en sorte que leurs points faibles n'aient pas d'importance »n. 2.
- selon Henry Mintzberg (1989) : « Les processus par lesquels ceux qui ont la responsabilité formelle de tout ou partie de l'organisation essayent de la diriger ou, du moins, de la guider dans ses activités »29,n. 3.
- selon Jean-Pierre Le Goff (1993) : « Le management est une notion globalisante et floue. Elle peut désigner les fonctions de direction, être synonyme d'organisation du travail, de mobilisation et de gestion de la « ressource humaine », ou plus largement encore englober de façon syncrétique la quasi-totalité des activités de l'entreprise qui ne se rapportent pas directement à la technique : gestion quotidienne des aléas de tous ordres survenant dans un service ou un atelier, encadrement et mobilisation d'une équipe, relations avec d'autres secteurs de l'entreprise, organisation et gestion de son temps, voire gestion budgétaire… »31.
- selon W. Edwards Deming (1988) : « Créer de la fierté et de la joie dans le travail »32.
- Selon François Dupuy, sociologue (2011) : « La définition la plus simple et la plus parlante de ce que l'on appelle le « management » est [le fait] que les choses marchent comme elles le devraient et [que] les gens fassent ce que l'on souhaiterait qu'ils fassent »33.
- selon Paul Hersey, Kenneth Blanchard, Dewey Johnson (2012) : « Le management est le processus de travailler avec et d'utiliser des individus et des groupes et d'autres ressources (telles que l'équipement, le capital et la technologie) pour réaliser les buts de l'organisation »34
- selon Raymond-Alain Thietart (2012) : « Un ensemble d’intentions (la planification), transformées en action par une bureaucratie (l’organisation) et des acteurs (l’activation), actions régulées par un système de pilotage (le contrôle) »11,n. 4.
- selon Jean-Luc Charron et alli (2014) : « Le management se définit comme l’ensemble des techniques d’organisation et de gestion pour conduire, piloter l’action des individus.
- Son emploi […] par rapport au terme de gestion met l’accent sur l’art de conduire, de diriger les hommes pour optimiser les ressources, rechercher l’efficacité et l’efficience de tous les aspects de la gestion des ressources humaines.
- [Il] cherche à [les] diriger le mieux possible […] en gérant toutes les dimensions du facteur « travail » et du facteur « savoir ».
- [Il] recherche l’efficacité et l’efficience dans le recrutement, les carrières, la mobilité, la rémunération, la gestion [de celles-ci] au travers de la formation, de la motivation et de la participation, de la communication et des relations sociales »35.
- selon Maurice Thévenet (2014) : « Le management consiste à faire en sorte qu'une action collective soit efficace »36,n. 5.
- selon Stephen Robbins, David DeCenzo, Mary Coulter et Charles-Clemens Rüling (2014), « le processus par lequel des résultats sont obtenus de façon efficace et efficiente, via et avec la coopération d'autrui »38.
- selon François Dupuy (2015) : « Le management est une discipline — un art veulent faire croire les optimistes — encadrée par des institutions qui en élaborent les méthodes [et] en conceptualisent les pratiques […] »39.
- selon Ghislain Deslandes (2016), le management dans les organisations est défini comme « une force vulnérable soumise à la pression du chiffre et dotée d’un triple pouvoir de contrainte, d’imitation et d’imagination s’exerçant aux niveaux subjectif, interpersonnel, institutionnel et environnemental »40.
Les différents types de management
Le management collaboratif
Il s'agit d'un nouveau mode de management émergent de plus en plus adopté dans les entreprises, notamment celles élaborées sur le modèle des start up, qui casse les codes et l'organisation hiérarchique pyramidale en partant du principe que les avis, points de vue et connaissances de l'ensemble des membres d'une équipe sont intéressants. Ce type de management place le salarié au centre de l'entreprise pour aller vers une démarche de complémentarité et de gain d'efficacité. Il est aussi appelé management consensuel. Il permet notamment de travailler sur la cohésion d'équipe et donc sur une optimisation des résultats et de l'efficacité.
Cette nouvelle méthode de management horizontal, issue des start-ups techs de la Silicon Valley, et qui transforme complètement les méthodes de management traditionnelles41, commence à être adoptée par de plus en plus de grands groupes, comme Spotify42. Elle se caractérise souvent par un fonctionnement en méthodes agiles.
Le management constitutionnel
« Le management constitutionnel n’est rien d’autre qu’un système managérial dans lequel ceux qui en ont le pouvoir, le plus souvent les dirigeants, adoptent une constitution pour l’organisation, laquelle régit la façon d’exercer le pouvoir à travers des règles et des processus qui s’appliquent à tous, y compris à eux-mêmes. Ce système permet de passer d’un pouvoir hiérarchique à un pouvoir constitutionnel qui fait loi, c’est-à-dire encadré et distribué selon les règles de droit définies dans la constitution choisie. Chacun devient détenteur de certains pouvoirs selon ses rôles, qui sont encadrés et limités par des politiques qui engagent chacun »43, Bernard Marie Chiquet.
L'holacratie est un exemple de management constitutionnel avec sa constitution 4.144.
Le management cellulaire
Il s'agit d'une manière de gérer une entreprise sans hiérarchie. C'est un management sans managers à proprement parler. Tous les employés sont sur un pied d'égalité. Les recrutements se font de manière collaborative et une personne choisie par l'équipe est nommée en qualité de référent45. Ce nouveau management permettrait notamment aux différents employés de gagner en responsabilisation et prise d'initiative.
Management vs. leadership et manager vs. leader
Les termes « management » et « leadership » entretiennent ce que l'on appelle en linguistique une relation d'énantiosémie, c'est-à-dire une catégorie assez singulière de mots qui sont, suivant le contexte, soit synonymes, soit antonymes.
Dans les expressions : « Styles de management », » styles de leadership », « styles de commandement » etc., ils sont synonymes.
Employés « absolument », c'est-à-dire seuls, ou employés sous la forme « manager » et « leader », ce sont des antonymes que pratiquement tous les auteurs (Warren Bennis, Kenneth Blanchard, Craig Hickman46, etc.) opposent de façon dichotomique.
La cause profonde de cette énantiosémie est que le concept de leadership est double, c'est tout à la fois une relation de pouvoir et une relation de confiance ; et que, simultanément, le management est lui aussi un concept bidimensionnel, comportant deux dimensions, mises en évidence par Rensis Likert et formalisées par Robert Blake et Jane Mouton dans leur Grille managériale, — en fait un paradigme — celles de intérêt pour les hommes — pour leur bonheur, c'est la face motivation, enthousiasme — et intérêt pour les résultats — pour l'efficacité et l'efficience, d'autre part. Les deux termes extrêmes : pouvoir et efficacité sont antonymes. Les deux termes moyens : confiance et bonheur (voir Zappos, par exemple) sont synonymes.
Le management comparé au leadership
John Kotter compare ainsi le management au leadership47 :
Activité | Management | Leadership |
---|---|---|
1. Création d'un calendrier | Planification et Budgétisation | Indique la direction |
2. Création d'un réseau humain | Organisation et recrutement | Coopération et coalition |
3. Exécution | Contrôle et résolution de problème | Motive et inspire |
4. Résultats | Production des résultats espérés | Produit du changement |
——————————————— | ————————————————— | ————————————————— |
Les managers opposés aux leaders
Nous ne prendrons qu'un seul exemple. Celui donné par Warren Bennis dans : Profession : leader, InterÉditions, 1991, p. 50-51.
Le manager | Le leader |
---|---|
Le manager administre | Le leader innove |
Le manager est une copie | Le leader est un original |
Le manager gère les affaires courantes | Le leader développe des innovations |
Le manager se concentre sur les systèmes et les structures | Le leader se concentre sur les hommes |
Le manager use du commandement | Le leader inspire la confiance |
Le manager a une vue à court terme | Le leader a une perspective à long terme |
Le manager demande comment et quand | Le leader demande quoi et pourquoi |
Le manager garde un œil fixé sur les résultats | Le leader garde un œil fixé sur l'horizon |
Le manager imite | Le leader crée |
Le manager accepte le statu quo | Le leader le défie |
Le manager est l'image classique du bon soldat | Le leader est lui-même |
Le manager fait ce qu'il doit faire | Le leader fait ce qu'il faut faire |
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Histoire du management
Même si la conduite des actions collectives existe depuis que les hommes vivent en société, la formalisation du management est relativement récente.
Elle débute entre 1880 et 1920, lorsqu'apparaît la figure du dirigeant salarié. Jusque-là, depuis la révolution industrielle, les chefs d'entreprise étaient essentiellement des entrepreneurs ou leurs héritiers. Or, certains de ces héritiers propriétaires préfèrent déléguer la direction de leurs entreprises à des salariés formés pour la circonstance, ce qui suscite la publication des premiers ouvrages spécialisés. Vers la fin du XIXe siècle, Frederick Taylor48 propose le concept d'organisation scientifique du travail. Celui-ci repose sur la décomposition du travail en gestes élémentaires chronométrés et organisés rationnellement pour former une chaîne de production. Taylor désirait appliquer les principes généraux d'amélioration de la productivité par la division du travail à l'entreprise qu'Adam Smith49 avait soulignés (avant lui Platon50 au niveau de la société). Il partage aussi l'idée avec Henry Ford qu'une augmentation des rendements peut être obtenue en contrepartie de bons salaires.
Parallèlement, Henri Fayol propose une approche similaire, avec un même souci de précision et de rationalité, à l'administration et à l'organisation bureaucratique. Il comprend que le prix des approvisionnements, la fiabilité des outils, la disposition des lieux de travail et la qualité de l'encadrement comptent tout autant que la quantité produite par l'entreprise. On parle alors d'administration moderne, qui fut alors et est toujours aujourd'hui la base de tout manuel de gestion. Il amène les concepts de systématisation du travail du dirigeant, de la prévision jusqu'au contrôle en passant par la décision. On reconnaît alors les principes de gestion : organiser, commander, coordonner et contrôler. Aujourd'hui, on reconnaît plutôt ces termes sous le PODC : « Planifier, Organiser, Diriger et Contrôler » (voir Roue de Deming).
À partir des années 1920, Le facteur humain devient un thème de recherche pour le management. Mary Parker Follett51 l'introduit dans la réflexion managériale.
Après les années 1930, avec notamment les travaux d'Elton Mayo52, le management s'inspire de la psychologie avec la prise en compte de l'effet Hawthorne (effet psychologique d'être l'objet d'une attention spéciale). Dans la décennie 1950, les travaux de Douglas McGregor en psychologie sociale qui propose ses théorie X et théorie Y sur les motivations des acteurs et des organisations, ceux de Herbert Simon qui approfondit les processus de décision au travers de la rationalité limitée, ceux de James March et Richard Cyert sur la théorie du comportement viennent compléter ces premières approches.
L'analyse du pouvoir par des sociologues comme Max Weber53 et Michel Crozier54, puis de la stratégie de l'entreprise (le management stratégique étant opposé, avec une limite poreuse, au management opérationnel) sont enfin devenus des thèmes de management que des auteurs comme Peter Drucker, Henry Mintzberg et Michael Porter parmi d'autres, ont participé à explorer. Les approches épistémologiques de management se sont en fait grandement diversifiées durant la même période.
Il est donc possible d'approfondir cette histoire du management par la distinction arbitraire de deux modes d'approche du management qui se complètent dans les articles de détails suivants :
- L'économie des organisations qui dérive de l'économie générale.
- la sociologie des organisations pour toutes les approches moins facilement modélisables.
Le management incluant ces deux domaines cherche par ce mélange à se rapprocher non pas toujours d'un modèle type d'entreprise mais souvent finalement d'outils de gestion permettant d'améliorer l'organisation. Le management ne peut se réduire ainsi à la gestion des ressources humaines, mais plus globalement à la gestion de l'organisation.
C'est aussi au début du XXe siècle, que sont créées la plupart des écoles de commerce destinées à former ces dirigeants salariés, d'abord en France55 (rachat en 1869 de l'ESCP, fondée en 1819, par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, création des écoles du Havre et de Rouen en 1871, de Marseille et de Lyon en 1872, de HEC en 1881, de l'EDHEC en 1906 ou de l'ESSEC en 1907), puis aux États-Unis (Tuck School of Business en 1900, Harvard Business School en 1908) et au Canada (faculté de commerce de l'Université McGill en 1906, HEC Montréal en 1907).
Frederick Taylor
En 1911, l'ingénieur américain Frederick Taylor56 propose le concept d'organisation scientifique du travail afin d'améliorer la productivité dans les usines, notamment pour le travail sur des machines-outils. Il s'agit de décomposer le travail en gestes élémentaires chronométrés et organisés rationnellement. Une fois que la méthode optimale est obtenue (ce que Taylor appelle le one best way), on peut l'apprendre à tous les ouvriers. On réalise ainsi une division verticale du travail, c'est-à-dire une séparation entre la conception et l'exécution des tâches.
Cette division verticale du travail ne doit pas être confondue avec la division du travail horizontale, qui consiste à spécialiser les individus sur une tâche spécifique, tel que l'ont préconisé Adam Smith57 en 1776 (et avant lui Platon58 au niveau de la société).
Taylor n'est donc pas l'inventeur du travail à la chaîne, qui sera déployé à grande échelle à partir de 1912 par Henry Ford, en conjuguant la division verticale des tâches du taylorisme avec la division horizontale du travail de Smith.
Henry Ford
En 1912, en s'inspirant de l'organisation du travail dans un abattoir de Chicago, l'entrepreneur Henry Ford décide de combiner la séparation entre la conception et l'exécution des tâches, issue du Taylorisme, avec la très forte spécialisation des tâches, issue d'Adam Smith. C'est ainsi que naît le travail à la chaîne. Même si les frères Dodge avaient déjà expérimenté cette approche quelques années auparavant, la première voiture à être construite en grande série sur une chaîne d'assemblage est la Ford Model T.
L'appauvrissement de la qualification qui résulte de cette nouvelle organisation du travail oblige Ford à augmenter fortement les salaires pour continuer à attirer des ouvriers. Parallèlement, cette augmentation permet aux ouvriers de disposer d'un pouvoir d'achat supérieur, et à terme d'acheter les automobiles qu'ils produisent. C'est ce qu'on va appeler le système fordiste.
André Citroën visite les usines Ford à Détroit dès 1912 et importe cette démarche en France, au départ pour fabriquer des obus pendant la première guerre mondiale, puis pour fabriquer des automobiles59. Il sera suivi peu de temps après par Louis Renault.
Henri Fayol
En 1916, dans son ouvrage intitulé Administration industrielle et générale60 (1916), Henri Fayol, ancien directeur général d'une entreprise sidérurgique et ancien consultant, présente le management (qu'il appelle « fonction administrative » ou « administration ») comme une fonction transversale regroupant cinq grandes tâches :
- Fonction technique : produire, transformer et fabriquer ;
- Fonction commerciale : achat, vente et échange ;
- Fonction financière : rechercher et utiliser de façon optimale les capitaux ;
- Fonction de sécurité : protection des personnes et des biens ; mise en place des bonnes conditions de travail
- Fonction comptable : calcul de paie et des statistiques (recensement des actifs et du patrimoine).
La « fonction administrative » se résume selon Fayol à cinq infinitifs « POCCC » :
- Prévoir.
- Organiser.
- Commander.
- Coordonner.
- Contrôler.
Ces principes de management ont notamment été repris et simplifiés par les analystes de la Qualité (voir Roue de Deming) sous l'acronyme « PODC » : « Planifier. Organiser. Diriger. Contrôler. ».
L'ouvrage de Fayol est par ailleurs le premier à présenter des notions fondamentales telles que :
- L'organigramme, avec l'idée qu'il ne faut pas plus de sept subordonnés par supérieur et un seul supérieur par subordonné (unité de commandement)
- La planification budgétaire, qui permet la division du travail et l'ordre matériel et moral
- La culture d'entreprise, avec la subordination des intérêts particuliers à l'intérêt de l'entreprise
- L'incitation à l'initiative individuelle
- La nécessité d'une rémunération équitable
Max Weber
Alfred Sloan (président de la General Motors de 1923 à 1956)
Alfred Sloan, ingénieur diplômé du Massachusetts Institute of Technology, devient président de la General Motors en 1923, entreprise qu'il dirige jusqu'en 1956.
Afin de concurrencer son grand concurrent Ford, qui à l'époque est organisé selon une structure fonctionnelle (le personnel est réparti en grandes fonctions verticales : conception, production, commercialisation, etc.), Sloan élabore une structure divisionnelle : il réorganise General Motors autour de divisions transversales plus ou moins autonomes.
Chacune des marques de General Motors (Chevrolet, Pontiac, Oldsmobile, Buick et Cadillac) devient ainsi une division disposant de son propre département de conception, de ses propres usines et de son propre réseau de distribution. Alors que Ford produit alors en très grande série un modèle quasiment unique, la Ford T, le portefeuille de marques de General Motors est conçu pour accompagner le client dans son ascension sociale, en partant des véhicules les plus populaires (Chevrolet) pour aller jusqu'aux plus luxueux (Cadillac), ce qui évite une concurrence entre les divisions. Cette organisation connaît un grand succès et permet à General Motors de dépasser Ford dès les années 1930, et même de devenir pendant des décennies la plus grosse entreprise industrielle au monde. Entre les années 1940 et 1970, notamment sous l'impulsion du cabinet de conseil McKinsey, la structure divisionnelle est adoptée par la plupart des grandes entreprises mondiales.
En 1952, la business school du Massachusetts Institute of Technology est renommée Sloan School of Management en l'honneur de Alfred Sloan.
En 1967, ses mémoires sont traduites en français.
Charles Bedaux
Français autodidacte émigré aux États-Unis, Charles Bedaux publie en 1917 un ouvrage sur l'amélioration de la productivité au travail, The Bedaux Efficiency Course for Industrial Application61. Après le succès de cet ouvrage, Bedaux fonde une société d'ingénieurs conseils. Sa méthode consiste notamment à mesurer le travail en unités élémentaires (les unités bedaux), qui sont ensuite comptabilisées de manière à établir la rémunération des opérateurs à l'aide d'un système de primes.
Ce système connaît un grand succès. Le cabinet Bedaux travaille notamment pour de grandes entreprises américaines, dont Ford et Standard Oil, où il concurrence l'organisation scientifique du travail de Taylor. Parallèlement, Bedaux ouvre des bureaux dans de nombreux pays européens. Dans les années 1920, le système Bedaux est utilisé dans un grand nombre d'entreprises, en particulier dans l'industrie minière où il sert à calculer le salaire à la tâche.
Cependant, du fait de l'attitude controversée de Charles Bedaux pendant la seconde guerre mondiale, son système est abandonné à la Libération.
Chester Barnard (Président de la Bell de 1937 à 1950)
Président de la compagnie de téléphone New Jersey Bell Telephone Company à partir de 1927, Chester Barnard publie en 1938 The Function of the Executive62, ouvrage dans lequel il insiste sur la nécessité de la coopération au sein des organisations.
Selon lui, afin d'assurer cette coopération, le dirigeant doit avant tout veiller à définir des objectifs connus de tous et à établir un système de communication interne le plus clair possible. Il rejoint en cela certains des principes énoncés par Henri Fayol.
Barnard s'est aussi intéressé à l'autorité et à la motivation, dans la lignée des travaux de Mary Parker Follett.
Dans les années 1940 et 1950, Barnard a présidé plusieurs organismes de recherche américains (dont la Fondation Rockefeller et la National Science Foundation).
Peter Drucker
Octave Gélinier
La Direction participative par objectif
Edwards Deming
14 Principes de management dans Hors de la crise Out of Crisis, 1988.
Tom Peters
Ses 45 prescriptions dans Le Chaos Management (1988).
Henri Savall
Travaux de l'Institut de socio-économie des entreprises et des organisations qu'il a fondé sur le « management socio-économique »63.
Sources du management
En tant que conduite de l'action collective, le management puise ses sources dans plusieurs champs de connaissance :
- La psychologie, au travers de l'école des relations humaines (notamment Elton Mayo ou Abraham Maslow) et des travaux en comportement organisationnel.
- La sociologie, notamment la sociologie des organisations, avec des auteurs comme Max Weber ou Michel Crozier.
- La théorie des organisations, avec notamment Herbert Simon, James March, Peter Drucker ou Henry Mintzberg.
- La microéconomie, avec par exemple les travaux de Albert Hirschman.
Le comportement organisationnel
De manière générale, les recherches en management les plus proches de la psychologie sont rassemblées sous la dénomination comportement organisationnel et se consacrent notamment à la motivation et à l'autorité64.
À partir des années 1920, Mary Parker Follett65 introduit le facteur humain dans la réflexion managériale.
Dans les années 1930, Elton Mayo66, définit l'effet Hawthorne (être l'objet d'une attention spéciale influe significativement sur le comportement des individus au travail). Mayo devient ainsi le précurseur de ce qu'il est convenu d'appeler l'école des relations humaines, centrée sur les relations entre les individus au sein des organisations.
Dans les années 1940, afin de mieux étudier la motivation des individus au travail, Abraham Maslow67 établit une hiérarchie des besoins humains. Il existe ainsi selon lui cinq niveaux de besoins, chaque niveau apparaissant lorsque celui qui le précède a été satisfait :
- besoins physiologiques
- besoins de sécurité
- besoins sociaux ou d'appartenance
- besoins d'estime
- besoins d'accomplissement de soi
Cette hiérarchie des besoins a été par la suite représentée sous forme de pyramide (on parle ainsi de pyramide de Maslow ou de pyramide des besoins), mais cette représentation donne une vision trop simpliste, voire erronée, du modèle de Maslow : la pyramide est fermée (ce qui implique une possibilité de satisfaction de tous les besoins), les besoins semblent de moins en moins importants (alors que les besoins physiologiques sont les plus aisément assouvis), le passage d'un besoin au suivant est trop brusque, et un seul besoin peut être motivant à la fois. Pour autant, cette représentation pyramidale a été largement utilisée en entreprise, car elle suggère qu'il suffirait d'identifier la catégorie de besoin ressenti par un salarié pour susciter mécaniquement sa motivation. La réalité (et le modèle de Maslow lui-même) sont évidemment plus complexes.
Dans les années 1960, Frederick Herzberg68 montre la différence entre ce qu'il appelle les facteurs de motivation (qui augmentent la motivation : intérêt de la tâche, considération) et les facteurs d'hygiène (qui réduisent l'insatisfaction : conditions de travail, salaire). Ces deux séries de facteurs seront rebaptisés par la suite motivation intrinsèque et motivation extrinsèque et étudiés par des psychologues comme Edward Deci69.
La sociologie des organisations
Les phénomènes de pouvoir au sein des organisations ont notamment été étudiés par des sociologues comme Max Weber et Michel Crozier.
Max Weber
En 1921, dans son ouvrage posthume Économie et Société70, l'économiste et sociologue allemand Max Weber présente la bureaucratie comme une forme d'organisation caractérisée par le respect de procédures rationnelles : recrutement sur la base des compétences, définition précise des sphères de responsabilité de chaque poste, indépendamment de la personne qui l'occupe, soumission à l'autorité dans le cadre strict de la fonction, rémunération selon le grade, avancement à l'ancienneté ou par concours, contrôle strict des activités. Étant donné que ces procédures s'appliquent à tous, y compris aux chefs, la bureaucratie peut être considérée comme un rempart face aux abus de pouvoir, à l'arbitraire ou au népotisme. Cependant, si Weber souligne la supériorité de la bureaucratie par rapport aux modes d'organisation traditionnels, il souligne aussi qu'elle peut brider l'initiative et menacer à terme la dynamique du capitalisme.
Michel Crozier
Dans son ouvrage Le phénomène bureaucratique71, publié en 1964, le sociologue français Michel Crozier montre que la bureaucratie rationnelle décrite par Max Weber présente en réalité des dysfonctionnements, du fait des stratégies mises en place par les acteurs pour assurer leur pouvoir. Crozier poursuit cette démonstration dans l'ouvrage qu'il publie avec Erhard Friedberg en 1977, L'acteur et le système72. Cet ouvrage présente la théorie de l'acteur stratégique, selon laquelle les membres d'une organisation s'écartent significativement de leur rôle officiel afin de créer ou de préserver des zones d'incertitudes qui sont autant de marges de négociation dans les rapports de pouvoir. Un technicien peut ainsi chercher à dissimuler le mode d'emploi d'une machine pour être le seul à savoir la faire fonctionner. De même, l'application plus ou moins stricte des règles, tout comme le choix entre plusieurs règles applicables, permet aux acteurs de disposer d'un pouvoir qui n'est pas formellement prévu par l'organisation. Tout cela conduit à questionner la légitimité rationnelle de la bureaucratie.
La théorie des organisations
Herbert Simon
En 1947, dans son ouvrage Administrative Behaviour73, l'économiste et sociologue américain Herbert Simon démontre que la rationalité absolue des individus, une des hypothèses clés des théories économiques classiques (qui postulent la capacité des acteurs économiques à déterminer des solutions optimales afin de maximiser leur utilité marginale) est un mythe. Il propose une vision plus réaliste, la rationalité limitée, qui résulte d'une série de biais cognitifs et qui se traduit par l'obtention de solutions satisfaisantes.
Pour ses travaux, Simon reçoit le « prix Nobel » d'économie en 1978.
James March
En 1958, James March, professeur à l'Université Stanford, publie avec Herbert Simon l'ouvrage Les organisations74, qui définit une organisation comme « un ensemble d'individus ou de groupes d'individus en interaction, ayant un but collectif, mais dont les préférences, les informations, les intérêts et les connaissances peuvent diverger ».
March publie ensuite en 1963 avec Richard Cyert une théorie comportementale de la firme75, qui décrit les limites de la rationalité des organisations : plutôt que de fonctionner de manière harmonieuse et coopérative, celles-ci sont composées de sous-ensembles qui cherchent le plus souvent à appliquer des routines préétablies et à évacuer les problèmes soulevés par leur hiérarchie. Elle réussissent cependant à fonctionner car elles disposent d'un excédent de ressources, appelé slack. Pour March, une organisation qui fonctionne bien présente une redondance de compétences ordinaires et les dirigeants ont essentiellement un rôle de représentation.
Enfin, en 1972, avec Johan Olsen et Michael Cohen, March définit la théorie de la poubelle76 qui montre qu'au sein des organisations décrites comme des anarchies organisées, les décisions résultent de la rencontre fortuite entre quatre flux : des occasions de choix, des participants, des apporteurs de problèmes et des apporteurs de solutions toutes faites. Dans la continuité des travaux de Herbert Simon, ce modèle s'oppose radicalement à la notion de rationalité absolue et postule au contraire que les décisions résultent le plus souvent du hasard.
Peter Drucker
Titulaire d'un doctorat en droit, Peter Drucker, autrichien naturalisé américain, devient conseiller de Alfred Sloan chez General Motors pendant la seconde guerre mondiale.
Il entame alors une longue carrière de consultant en management et en organisation pour les plus grandes entreprises américaines, qui le conduira à écrire de nombreux ouvrages, dont Concept of the Corporation77, The Practice of Management13 en 1954 et The Effective Executive78 en 1966.
Pour Drucker, la prospérité de la société américaine s'explique par le développement du management, qu'il considère comme un humanisme et un art libéral. Marqué par le nazisme dans sa jeunesse, il estime également qu'il vaut mieux faire confiance à l'initiative des dirigeants d'entreprises qu'à des structures étatiques.
Henry Mintzberg
Ingénieur de formation, le Canadien Henry Mintzberg soutient sa thèse de doctorat en management à la Sloan School of Management du Massachusetts Institute of Technology en 1964. Dans son travail de thèse, il chronomètre le travail de managers et de dirigeants, afin de décrire la nature exacte de leurs tâches, marquées par le fractionnement, l'imprévu et la discontinuité.
Devenu professeur à l'université McGill de Montréal, il propose en 1979 dans son ouvrage Structure et dynamique des organisations79 une typologie des organisations élaborée à partir des mécanismes de coordination des tâches (voir la section Organisation).
Il s'intéresse ensuite au pouvoir dans les organisations, puis à la stratégie d'entreprise et aux formations au management, ce qui l'amène à critiquer les programmes MBA des grandes universités américaines, notamment celui de la Harvard Business School.
En 2014, il publie Manager - L'essentiel80, ouvrage dans lequel il reprend l'approche de sa thèse de doctorat pour observer au plus près les tâches d'une série de dirigeants.
François Dupuy
Sociologue des organisations, François Dupuy (né en 1947) montre dans son ouvrage Lost in management (2011) que les entreprises sont, au début du XXIe siècle, en passe de perdre le contrôle d’elles-mêmes quand le pouvoir se disperserait au niveau des intermédiaires et des exécutants. Poussés par la compétition, les dirigeants tentent alors de reprendre le contrôle par la mise en œuvre de « process » et de « reportings », produisant un résultat à l’inverse de l’effet escompté : plus les décisions se multiplient, moins le contrôle est grand. Il montre ainsi dans son enquête que dans de nombreuses entreprises, le problème est aujourd’hui de reconstruire une maîtrise minimale de la direction et de ses managers sur l’organisation et ses personnels81.
Dans la suite, La Faillite de la pensée managériale (2015), il s'emploie à démonter les mécanismes de l’appauvrissement de la pensée managériale et à en montrer l'étendue des conséquences pour les entreprises, en particulier à cause de l'ignorance persistante des acquis des sciences sociales82.
La microéconomie
L'économie des organisations s'efforce de relier celles-ci avec l'économie générale. La microéconomie part d'une analyse des marchés voire d'études de marché dont elle déduit des fonctions mathématiques. Elle cherche à préciser les conditions d'équilibre de l'offre et la demande sur le marché par l'outil mathématique en prenant en compte au maximum la rationalité limitée des acteurs dans les situations de marché. Elle se situe principalement en dehors de l'entreprise qui n'est qu'un acteur du marché. Comme a pu le souligner Henry Mintzberg83, plus les situations deviennent réelles et plus le travail mathématique doit devenir intense, long et coûteux. Ce qui est l'inverse de l'intention du management. Celui-ci se situe dans l'entreprise qu'il s'agit de gérer de façon optimale, même si Herbert Simon a montré que cette recherche d'optimisation s'inscrit dans une rationalité limitée73. Il reste que la microéconomie peut rester un outil pour les très grosses entreprises et surtout pour l'État cherchant à faire des études ponctuelles à partir d'études de marché, permettant ensuite d'élaborer certaines fonctions explicatives des évolutions des prix et des quantités produites et échangées.
Fonctions du management
C'est Fayol, qui le premier, a décomposé la fonction administrative (le management) en « éléments » qui ont ensuite été appelés « fonctions » du management (prévoir, organiser, etc.) qu'il faut bien distinguer des fonctions de l'entreprise (production, commercialisation, finances, ressources humaines, etc.).
Il distinguait, après réflexion (le commandement est-il ou non un élément de l'administration ?)84, 5 éléments. Beaucoup d'auteurs n'en voient que quatre. Un auteur en voit sept.
Mais, un fait assez exceptionnel a apporté une certaine confusion dans ce domaine : son livre — dans l'édition Dunod de 1970 avec des tableaux dépliants en couleurs très utiles pour bien comprendre l'importance relative des diverses capacités nécessaires aux différentes catégories d'agents : actionnaires, conseil d'administration, direction et son État-major, chefs de service, chefs de division, etc; jusqu'aux ouvriers, employés, aides et gardes d'une grande entreprise — est très difficilement consultable. Le collectif de Nicole Aubert et ali., Management, PUF, 1991, fait référence à l'édition 1979.
Pour Fayol
Selon Henri Fayol, les fonctions du management sont la prévoyance, l’organisation, le commandement, la coordination et le contrôle.
« Prévoyance »
La « prévoyance » consiste à fixer des objectifs et à déterminer les actions permettant de les réaliser (à rapprocher de la notion moderne de stratégie d'entreprise).
Organisation
La deuxième fonction du management, l’organisation, consiste à spécialiser les individus (par fonctions, par produits, par clients, par zones géographiques, par moment de travail, par processus, etc.) et à coordonner leurs activités (par la hiérarchie, les procédures, les budgets, la qualification, la collaboration).
Commandement
Par définition, le manager est responsable du travail de ses subordonnés. Il doit donc détenir à leurs yeux une légitimité suffisante pour qu'ils acceptent son autorité, veiller à leur motivation et être capable d'orienter leur travail collectif dans le sens des objectifs qui ont été définis.
Le pouvoir (analysé notamment par la sociologie des organisations), la motivation (analysée notamment par le comportement organisationnel) et la rationalité (analysée notamment par la théorie des organsiations) constituent donc des composantes essentielles du métier de manager85.
Selon Henri Fayol86, le grand chef d'entreprise devrait détenir les qualités suivantes :
- Physiques : santé, vigueur, adresse.
- Mentales : capacité à comprendre et à apprendre, jugement, vivacité d'esprit, adaptabilité.
- Morales : énergie, fermeté, volonté d'accepter les responsabilités, initiative, loyauté, tact, dignité.
- D'éducation : connaissances générales sur des sujets n'appartenant pas exclusivement aux fonctions exercées.
- Administrative (POCCC).
- Techniques : spécifiques à la fonction exercée.
- D'expérience : provenant du travail exercé.
Coordination
Pour Henri Fayol, « Coordonner c’est mettre de l’harmonie entre tous les actes d’une entreprise de manière à en faciliter le fonctionnement et le succès ; c’est, en somme, donner aux choses et aux actes les proportions qui conviennent, adapter les moyens au but »87. Pour cela, il énonce une série de principes de coordination des tâches :
- Autorité – Responsabilité : droit de commander et le pouvoir de se faire obéir.
- Unité de commandement : pour une action quelconque, un agent ne doit recevoir des ordres que d’un seul chef.
- Unité de direction : un seul chef et un seul programme pour un ensemble d’opérations visant le même but.
- Subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général
- Discipline : l’obéissance, l’assiduité, l’activité, la tenue, les signes extérieurs de respect.
Contrôle
Le contrôle se définit comme l’examen par lequel on s’assure que les résultats obtenus sont conformes aux buts et qui permet d’apporter, au besoin, les corrections nécessaires pour réorienter l’entreprise vers ses objectifs88.
Le contrôle comporte une série d'étapes :
- Définir des indicateurs permettant de suivre l'évolution de l'activité de l'organisation.
- Identifier les écarts entre la situation actuelle et le plan.
- Déterminer les causes de ces écarts.
- Définir les correctifs nécessaires.
Lyndall Urwick
Lieutenant-colonel dans l'armée anglaise pendant la Première Guerre mondiale. Livres : 1937, 1972.
Sept principes fondamentaux d'administration. Voir : Scheid, 1980, p. 85-89.
Luther Gulick
1947. Il en voit sept. Acronyme P.O.S.D.C.O.R.B/
Newman & Warren
1977. Ils passent sous silence la fonction de coordination.
Henry Mintzberg
ca. 1990. Mintzberg a approfondi la fonction coordination.
Relation entre le management et d'autres concepts
Management et stratégie
La stratégie d'entreprise est le choix d'orientation à long terme de l'entreprise et des options qui lui permettent de s'insérer dans son environnement. Elle constitue donc l'art de diriger l'organisation et les hommes de l'entreprise d'un point de vue long terme et extérieur. Définir une stratégie consiste à déterminer les buts et objectifs qui seront poursuivis, à choisir les actions à mettre en œuvre ainsi que les ressources à mobiliser. La prise de décision est précédée par une phase de diagnostic et suivie par une phase de mise en œuvre. La stratégie peut être envisagée selon deux niveaux : la formulation stratégique et le management stratégique. La formulation stratégique a pour objet de structurer la démarche de réflexion des dirigeants pour arriver à des choix stratégiques. Le management concerne les conditions de mise en œuvre de ces choix et l'organisation des actions collectives qui permettront d'obtenir la performance attendue.
Les problèmes doivent être résolus « durablement », c'est-à-dire positionner l'entreprise dans des conditions où une performance accrue a plus de chance d'apparaître. D'où l'importance de la stratégie qui peut assurer la capacité d'anticipation de l'entreprise. Dans la pratique, la stratégie donne généralement lieu à la planification d'actions pour atteindre des objectifs précis sur une période donnée. Tous les outils de la gestion courante vont permettre au gestionnaire d'atteindre les objectifs définis dans le cadre de la vision stratégique de l'entreprise. Chaque petite décision prise sur le plan financier, économique, marketing, de la clientèle et autres, fait partie d'un ensemble plus large que l'on nommera management opérationnel. Le management devra rester conscient des limites du pouvoir prédictif de la stratégie relative à toute prise de décision (auto-réalisation de la stratégie, difficultés à faire accepter le changement, etc.) et de son coût.
La Direction de la Stratégie statue sur les offres à long terme et donc les activités de l'entreprise qui généreront la satisfaction du client, avec la meilleure marge, le meilleur potentiel, et le minimum de risques. La Direction de la Stratégie participe aux décisions de politique industrielle à l'échelle d'un pays, d'une région, etc. La Direction de la Stratégie connaît les organismes de recherche et la politique étatique à l’égard de ces organismes et leur orientation en termes de recherche.
Management et gouvernance
La gouvernance est l'ensemble des mécanismes qui contribuent à aligner la réalité du fonctionnement d'une organisation sur les objectifs qui lui sont assignés. Les attentes des parties prenantes et les conflits sur les objectifs à assigner à l'organisation peuvent se manifester en dehors des structures classiques de gouvernance (assemblée générale, conseil d'administration et direction générale). C'est en ce sens que la construction par le management des structures de gouvernance est particulièrement complexe.
Le management fait appel à l'audit interne et au contrôle de gestion pour collecter, traiter, remonter et valider l'information de gestion. Ces informations, essentielles au pilotage de l'organisation, contribuent aussi à la réduction de l'asymétrie d'information entre les parties prenantes. Par cette réduction, il est donc possible d'envisager une diminution des conflits et des rapports de force au sein de l'entreprise source parfois d'inefficacité. C'est en reliant les processus aux différentes parties prenantes que l'entreprise peut assurer sa cohésion et sa cohérence. Le modèle du tableau de bord prospectif (balanced scorecard) constitue un exemple d'approche formalisée pour intégrer et gérer simultanément les différentes facettes d'un processus.
L'entreprise a une responsabilité par les décisions qu'elle prend et les actions qu'elle met en œuvre. Mais cette responsabilité doit aussi se rendre visible par l'information que l'entreprise transmet aux diverses parties prenantes. Comme toute responsabilité, celle-ci repose sur la prise en compte de l'éthique dans les relations avec les autres.
En effet, le comportement des managers ont des répercussions directes sur leurs subordonnés, et ainsi, sur les résultats de l'entreprise. C'est ainsi que, depuis le début du vingtième siècle, le management analyse les répercussions qui découlent des types de leadership.
Pour développer ce type de gestion, le Management équitable recouvre un certain nombre de pratiques de management fondées sur le principe d’un juste équilibre entre la performance économique et opérationnelle de l’entreprise et l’épanouissement personnel au travail. Il place la personne humaine au cœur des préoccupations de l’entreprise en proposant un traitement équitable, respectueux des droits de chacun et porteur de bien-être social.
Management et système d'information
Un des objectifs du management est la gestion de l'organisation de l'entreprise afin de générer des synergies par un certain alignement stratégique. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de réaliser la coordination des flux physiques et immatériels qui traversent l'entreprise. Les flux physiques matériels sont normalement sous la responsabilité du service logistique. Le service des ressources humaines gère les flux de capital humain. Les flux d'informations par nature immatériels sont sous la responsabilité de la direction des systèmes d'information (DSI) qui gère le management du système d'information de l'entreprise et assure l'urbanisation du système d'information. En management du système d'information, la gestion de données concerne aussi spécifiquement des ressources numériques.
Parmi les outils des services informatiques des grandes entreprises, les ERP (Enterprise Resource Planning) ou PGI (Progiciel de gestion intégré) permettent le management global d'une entreprise. En effet, ces outils offrent une couverture de management qui englobent l'ensemble des services d'une entreprise. Ils sont disponibles, aussi bien pour les très grandes entreprises que pour les PME/PMI du fait d'une augmentation de la standardisation des systèmes et donc une baisse sensible du prix d'achat et de maintenance. Il est également possible, en s'appuyant sur une architecture orientée services de faire communiquer de façon souple et réaliser un couplage des systèmes de PGI (dédiés à des PME/PMI ou à des filiales) et un ERP central couvrant l'ensemble de l'entreprise. L'intérêt de ces systèmes est d'abord une uniformisation par l'intégration et la dématérialisation des informations. En effet, l'objet de la création d'une base de données est surtout de créer une unicité de l'information en termes de format et parfois de centralisation des données (relativement au niveau de sécurité ou de qualité négocié entre les métiers et attendu par le système : il faut alors augmenter le niveau de redondance de l'information pour limiter le risque ou la baisse de qualité de service). Le système nécessite aussi de réussir la mutualisation des processus métiers en exerçant l'interopérabilité attendue. Cependant, celle-ci a aussi un coût en termes de parc matériel (besoin de puissance de calcul, capacité de stockage des entrepôts de données, âge moyen des serveurs) et de parc applicatifs (nombre de système technique et complexité de l'interconnexion). Le choix d'un système d'information intégré est donc au cœur de la question de l'externalisation. Faut-il externaliser cette fonction du fait de son coût et du niveau d'expertise attendu ? Le choix doit être relativisé avec le niveau de dépendance et de perte de confidentialité qu'implique l'externalisation du système d'information et la perte d'opportunité en termes d'augmentation de la valeur de l'entreprise.
Management et finance
Dans le cadre de la gestion, la finance est un domaine de management dont l'objet se caractérise au niveau stratégique par une recherche d'optimisation de la valeur de l'entreprise et donc particulièrement de l'intérêt des apporteurs de capitaux. Cette distinction, par rapport aux autres domaines du management, permet à la finance par l'usage de postulats spécifiques (HEM par exemple...) de pouvoir prendre des décisions à partir de modèles fortement mathématisés et donc utilisés à grande échelle à moindre coût, tout en maintenant un niveau de pertinence élevé. La finance comportementale relativise ce point par la remarque d'existence de biais cognitifs. Ce qui caractérise aussi réellement la finance des autres outils de management est le fait qu'elle cherche à fournir une information dirigée non pas systématiquement à l'interne, mais plutôt vers certaines parties prenantes dans le cadre de la gouvernance d'entreprise. L'échelle d'analyse n'est donc pas toujours la même à juste titre. Cette problématique prend tout son sens dans les entreprises à stratégies ou organisations complexes (sous-traitants, structures politisées...) nécessitant surtout des approches non financières. De plus, la finance se caractérise par l'usage traditionnel d'analyses basées sur le risque et les flux de trésorerie afin d'éviter certaines illusions financières et biais d'autres étalons de mesure. Dans le cas d'analyse financière des groupes, il sera nécessaire de réaliser des retraitements importants qui peuvent finir par alourdir considérablement le coût du contrôle des parties prenantes.
Les écoles de management en France
On compte en France pas moins de 230 écoles dites de commerce et de management. Ces écoles peuvent soit être privées, soit gérées par les chambres du commerce et de l'industrie. La plupart d'entre elles axent leurs formations sur la pratique afin de permettre aux étudiants d'avoir une bonne connaissance du monde de l'entreprise. Elles offrent également la possibilité d'une ouverture sur l'international comme l'ESCP Europe89 ou l'ICS Paris grâce à l'intégration d'étudiants étrangers ou de cursus hors des frontières. D'autres, comme HEC Paris proposent des programmes de formations continues avec le système des MOOC, alors que certaines d'entre elles misent tout sur l'entrepreneuriat comme l'IFAG pour dynamiser l'économie et accompagner les porteurs de projets dans la création de leur entreprise90.
Il faut aussi compter avec les IAE ou Instituts d'administration des entreprises, maintenant plutôt dénommés Écoles Universitaires de Management et qui dépendent des universités. 35 IAE existent en 2015, regroupés en un réseau d'échange de bonnes pratiques, et les plus anciens membres de ce réseau ont été fondés dans les années 1950. La plupart a des actions à l'international, certains IAE comptant même plus d'étudiants à l'étranger que sur le territoire national. Enfin, en tant que composantes des universités, tous ont un volet recherche largement développé.