Eric Berne, né Léonard Bernstein1, est issu d'une famille juive émigrée d'Europe de l'Est, et plus précisément de Pologne et de Russie. Son père, David Hillel Bernstein, est médecin généraliste et sa mère, Sarah Gordon Bernstein, est écrivain et éditrice. Il a une sœur cadette, Grace. Alors que son père décède à l'âge de 38 ans d'une tuberculose, sa mère encourage Eric Berne à étudier la médecine. Il étudie effectivement la médecine à l'Université McGill : il obtient son doctorat de médecine puis soutient sa thèse en chirurgie en 1935. Il fait son internat en psychiatrie à l'université Yale aux États-Unis. Il obtient la citoyenneté américaine en 1939, période à laquelle il raccourcit son nom en Éric Berne.
((En 1984, Elizabeth et Henry Jorgensen2 publient une biographie de Berne qui s'intéresse aux aspects privés.))
Dès 1941, il débute sa formation de psychanalyste à l'Institut Psychanalytique de New York et commence une psychanalyse personnelle avec Paul Federn3,4.
De 1943 à 1945, il est mobilisé dans le Corps Médical de l'Armée et interrompt son analyse personnelle. Il occupe tout d'abord un poste de recruteur, en tant que lieutenant. Il rédige le soir des cours d'introduction à la psychiatrie qu'il donne aux recrues du service sanitaire avec un double souci : faire œuvre scientifique et faire œuvre didactique. Il souhaite exprimer en termes simples et accessibles au plus grand nombre la phraséologie savante de la psychiatrie.
En 1946, en parallèle à ses activités thérapeutiques tant en approche individuelle qu'en approche de groupe, Eric Berne poursuit son travail de réflexion et de recherche qu'il consigne dans des articles édités.
Il en résulte un ouvrage qui sort en 1947 sous le titre The Mind in Action5. Le psychanalyste Abraham Arden Brill de New York pense que : "Le Dr Berne maintient une attitude tellement objective et impartiale qu'il donne à première vue l'impression d'être bien plus un critique averti qu'un ardent disciple de Freud."
En 1947, il reprend sa psychanalyse, cette fois-ci avec Erik Erikson.
De 1947 à 1949 il reprend sa formation auprès du San Francisco Psychoanalytic Institute et s'installe définitivement à Carmel en Californie (États-Unis). À un chef du service de réinsertion des anciens combattants qui voulait comprendre son taux de réussite thérapeutique, Eric Berne répond : "Je ne me contente pas d'aider mes patients, je les guéris."6. Ce souci d'être un vrai médecin va de pair avec une visée pragmatique. "La vraie connaissance consiste à savoir comment agir."7
Berne, en 1954, est déjà un analyste transactionnel sans le savoir.
En 1956, le titre de psychanalyste qu'il convoitait lui est refusé au motif qu'il n'est pas encore prêt. Ce rejet ne l'abat pas et le stimule même1. Il dit que la séparation d'avec la psychanalyse s'est passée "dans les termes les plus amicaux" et, jamais il ne tournera le dos à la psychanalyse dans ses œuvres publiées après la date fatidique et libératrice de 1956. Dorénavant Berne développe ses propres idées montrant tantôt les similitudes tantôt les différences tout en gardant la psychanalyse comme norme de référence. Il utilise un langage humoristique et imagé pour faire passer ses concepts.
Eric Berne fait des voyages d'études à l'étranger dans une trentaine d'institutions psychiatriques dans une douzaine de pays : Syrie et Liban en 1938 ; Philippines, Hong-Kong, Singapour, Sri Lanka, Inde, Turquie en 1948 ; Nouvelle-Guinée, Fidji, Tahiti en 1958 et 1959. Chaque fois il fait une ample moisson de renseignements et d'observations qui feront l'objet d'articles et de rapports circonstanciés. Partout, il était frappé par la similitude des relations que les gens établissaient entre eux et par la ressemblance des structures fondamentales qui apparaissaient dès qu'on dépassait les apparences. (p. 28 et 111)
En 1957 il publie un article "Ego states in psychothérapy" dans lequel il clarifie l'analyse structurale. En 1958 un article "Transactionnal analysis : a new and effective method of group therapy" qui présente en raccourci l'analyse structurale, l'analyse des transactions, l'analyse des jeux et l'analyse des scénarios. (p. 42)
Le , il constitue avec six autres participants un groupe nommé Séminaire de psychiatrie sociale et San Francisco (1re réunion le !). En mai 1960 le nom et les statuts de l'association sont légalement reconnus par l’État de Californie. Le 17/11/1964 l'association change de nom pour devenir l'Association Internationale d'Analyse Transactionnelle (AIAT ; ITAA pour les anglo-saxons). (p. 200)
En 1967, vingt ans après, Eric Berne remanie de fond en comble son premier ouvrage pour une nouvelle édition. (p. 25)
Son œuvre : l'analyse transactionnelle
Dans la préface de l'ouvrage (p. 16)3 , Raymond Hostie dit : L'analyse transactionnelle se présente à la fois comme :
- un corps de doctrine, qui intègre les apports de la recherche et élimine ce qui est superflu, indigeste ou incompatible ;
- et un corps de métier, constitué de praticiens, artisans du développement de l'art de la corporation.
Eric Berne a largement contribué à la dimension groupale et au fait que le corps de doctrine de l'analyse transactionnelle soit l’œuvre d'un corps de métier.
Le préfacier de l'ouvrage, Jean Wilmotte, psychiatre, complète l'idée de l'auteur (p. 13) qui peut se synthétiser en : L'analyse transactionnelle se veut un outil de diagnostic d'un patient qui exprime une souffrance et un outil de classement dans une catégorie psychologique certes mais aussi un outil pragmatique de thérapie d'un patient qu participe à toutes les phases du diagnostic et du traitement.
Généalogie de sa pensée
Eric Berne vénérait son père, qu'il qualifiait de "médecin pour les pauvres", décédé en 1921 (alors qu'Eric avait 11 ans), et c'est à son exemple qu'il se propose de "guérir beaucoup de gens"... (p. 26). Guérir voilà l'objectif du vrai médecin...
Raymond Hostie (p. 29)3 écrit : "Berne était doué d'une avidité à apprendre [...], à comprendre [..], d'une rare persévérance dans la poursuite des objectifs intellectuels qu'il s'était fixés, et d'une assurance lucide quant aux points forts et faibles tant en lui-même que chez les autres. Berne a développé ses qualités en mettant à leur service une intelligence subtile qui l'a prémuni contre le dogmatisme et le fanatisme. Elle est la base de son humour déconcertant tout en le gardant de verser dans l'ironie mordante et corrosive. [...] Berne renverse [les habitudes professionnelles] : quand il veut saisir le bien-fondé d'une affirmation il la transforme en question. Ex : Est-il vrai qu'il faille verbaliser un problème avant de pouvoir le résoudre ? Est-il vrai qu'un changement n'est possible qu'après analyse ? "
Dans les années 1950, Berne est toujours inspiré par Freud, mais prend ses distances par rapport à la psychanalyse. Il cherche à développer un outil thérapeutique efficace et rapide, moins coûteux et donc accessible à tous. Il met au point des concepts originaux dont il fait état dans plusieurs articles scientifiques.
Il est ouvert aux contributions de ses confrères praticiens.
Eric Berne se veut "médecin psychiatre" attaché au diagnostic et à la guérison de ses patients. Qu'est ce qu'un vrai médecin ? C'est selon lui un médecin qui (p. 28)3 :
- s'est orienté pendant toute sa formation vers la guérison de ses patients. C'est là son souci primordial qui commande sa pratique.
- est capable de planifier son traitement. À chaque étape il sait ce qu'il fait et pourquoi il le fait.
- distingue nettement la recherche et l'expérimentation du traitement thérapeutique. Recherche et expérimentation sont au service du traitement.
- est pleinement responsable du bien-être de ses patients.